Game design selon Wikipedia:
«Le game design, ou la conception de jeu, est le processus de création et de mise au point des règles relatives à un jeu avant son élaboration.»
Maintenant que vous avez créé un prototype de votre jeu vous permettant d’en faire l’expérience, il est temps de corriger le game design et d’en extraire tout son potentiel. C’est grâce au processus itératif que nous allons y parvenir. Le mot «itératif» peut être terrifiant, mais rassurez-vous: s’engager dans un processus itératif signifie «répéter un processus plusieurs fois». Dans le cadre de la création de notre jeu, ce que nous allons répéter, et bien ça sera tout simplement des sessions de jeux! J’espère que cela vous convient? Oui? Génial.
En fait, nous allons faire mieux que de simplement jouer, nous allons essayer améliorer notre game design.
Voici comment nous allons procéder: d’abord, nous allons modifier un élément du jeu (une règle, une variable), nous allons ensuite y jouer, puis finalement noter comment notre changement a affecté l’expérience de jeu en comparaison des sessions précédentes. Par modification du jeu, j’entends la modification d’une règle de jeu (tour à tour? tours simultanées? realtime? etc.) ou d’une variable de jeu (augmenter vitesse de mouvement, diminuer dégâts d’une arme, changer résistances d’un ennemi, ajout d’un élément aléatoire, etc.).
Voici notre cycle itératif:
- Élaboration d’une hypothèse;
- Modification d’une règle du jeu permettant de tester notre hypothèse;
- Session de jeu;
- Vérifier si notre hypothèse est validée ou non;
- Recommencer!
Le schéma itératif
Comment élaborer une hypothèse afin de savoir quel élément doit être modifié
Lors de votre première session de jeu sur votre prototype, que s’est-il passé? Qu’avez-vous ressenti?
Peut-être que pendant un moment, votre jeu était amusant comme vous l’espériez. Puis à un autre moment, le jeu vous a surpris avec un élément qui n’était pas prévu. Était-ce positif? Ou est-ce que le jeu s’en est ressentie?
Si votre jeu a donné exactement ce que vous attendiez du premier coup et que rien n’a cloché ni ne vous a surpris, vous n’avez pas à lire ce qui suit. Vous êtes ou bien d’un niveau trop avancé, ou plus probablement trop obtus et déficient dans le domaine de l’imagination pour continuer. Pour les autres, retenez l’élément qui sort le plus de vos attentes initiales (positivement ou négativement).
Quel en est la cause?
Un manque de diversité?
Trop de prévisibilité?
Trop d’aléatoires?
Trop de complexité?
Imaginez une façon d’y remédier.
Trouvez quelque chose à ajouter à votre jeu. D’autres niveaux? Des bonus temporaires? D’autres obstacles?
Ajoutez un élément aléatoire ou transformez un élément déjà présent de façon à ce qu’il devienne aléatoire.
Transformez un élément aléatoire en une valeur fixe.
Tentez de couper un élément complexe qui apporte peu de valeur au jeu.
Coupez un élément. Ajoutez un élément. Modifiez une variable du jeu pour voir ce que ça entraînera. Modifiez même les éléments qui vous semblent fondateurs du jeu: on obtient parfois d’heureuses surprises. C’est ainsi qu’on identifie quelque chose à modifier et qu’on élaborenotre hypothèse. Parfois, notre session de jeu nous donnera raison. Parfois, elle nous prouvera qu’on avait tort.
Après votre session de jeu, vous serez en mesure de dire si la modification a été positive ou non. Si l’impact a été favorable, tenter d’apportez une nouvelle modification aux règles du jeu qui ira dans le même sens et tester votre nouvelle hypothèse.
Si l’impact a été négatif, vous pouvez tenter à nouveau une modification qui ira dans le même sens (mais différemment), ou vous pouvez simplement éliminer la dernière règle testée et vous lancer sur une nouvelle hypothèse.
Exemples appliqués du processus itératif
Pour mieux illustrer la théorie, voici quelques exemples concrets:
Nous développons un jeu en défilement latéral et faisons l’hypothèse que d’augmenter la vitesse de notre personnage rendra le jeu plus agréable. Notre prototype a été codé rapidement et nous avons un premier niveau de jeu pour nos tests. Nous modifions donc la variable affectant la vitesse des déplacements et nous effectuons notre session de jeu. Après quelques minutes, nous découvrons que le personnage est devenu difficile à contrôler, car il bouge trop rapidement et que nous n’avons plus assez de temps pour réagir afin d’éviter les obstacles. Nous tenterons donc de nouvelles sessions de jeu en diminuant progressivement la vitesse afin de déterminer la valeur optimale.
Autre exemple: nous développons un FPS et émettons l’hypothèse que d’augmenter les dégâts des armes offrira plus de plaisir au joueur, car il se sentira plus puissant.
Nous avons rapidement élaboré un niveau de jeu grâce au Unreal engine, nous nous engageons donc dans une session de jeu. Rapidement, on constate qu’il n’y a plus de challenge, car tous les obstacles sont détruits avant de devenir problématiques.
À partir d’ici, nous souhaitons tester séparément deux hypothèses: soit que notre personnage doive recevoir plus de dégâts pour que le jeu redevienne équilibré, soit que nos ennemis doivent devenir plus rapides pour redevenir un challenge.
Gameplay selon Wikipedia:
«Gameplay est un terme caractérisant des éléments d’une expérience vidéoludique, c’est-à-dire le ressenti du joueur quand il utilise le jeu.»
Je vais vous donner une consigne supplémentaire:
Tentez de couper le maximum de règles et fonctionnalités de votre jeu. Essayez de tout couper, un élément à la fois. Lancez votre session de jeu et notez s’il fonctionne toujours. Vous vous rendrez éventuellement jusqu’au point ou vous ne pourrez plus rien éliminer sans gravement affecter l’expérience de jeu: félicitation, vous avez trouvé le coeur de votre gameplay!
Pourquoi est-ce que je vous demande de couper tout ce qui peut être coupé? Deux raisons: d’abord, ça vous a permis de trouver votre core gameplay. C’est l’élément fondateur de votre jeu, c’est cet élément qui est amusant et c’est autour de lui qu’il vous faut broder désormais. Quand vous ajoutez ou modifiez une règle, demandez-vous si elle contribue à mettre en valeur la jouabilité. Vos efforts mis dans cette direction rapporteront plus que tous les autres. Soyez intransigeant, essayer de tout couper et si ça ne fonctionne pas, réfléchissez à ce que vous pourriez faire pour réussir à couper. Passez la hache dans votre game design. Visez l’épuration, la simplicité. Suivez la méthodologie de design KISS (Keep It Simple, Stupid!). Vous aboutirez éventuellement à un stade ou tout ce qui restera sera essentiel.
L’autre raison pour laquelle je vous demande de couper le maximum d’éléments est que je soupçonne que vous êtes seul dans cette aventure de création de jeu. Sachez que chaque fonctionnalité s’additionnera au temps de production du jeu final. Puisque vous êtes seul, il est primordial de chercher à réduire au maximum ce temps de production. Je suis désolé si vous souhaitiez sortir à vous seul le prochain MMORPG (jeux de rôle massivement multijoueur). C’est un gag fréquent dans les forums de créateurs de jeux vidéo où on voit un nouvel amateur enthousiaste sans compétence désirant apprendre comment créer son propre MMORPG. Ce type de jeux est créé par de grandes équipes de professionnels qui travaillent à temps plein pendant souvent plus d’un an, donc si vous n’êtes pas professionnel et que vous ne pouvez y travailler à plein temps, je vous suggère de réévaluer votre idée de départ, un tel projet est irréaliste.
Une façon de prendre conscience du temps de production est de faire une liste exhaustive des éléments du jeu. Chaque élément de votre game design doit ensuite être décomposé. Vous souhaitez des combats? +1. Il y aura de la magie et des épées? +1 +1. Les magies causeront des animations? +1. Un menu? +1
Évidemment, ce n’est qu’une approximation, car le temps pour implanter chaque élément ne sera pas le même, mais ça aide à se faire une idée.
Il existe des exemples de jeux qui nécessitent très peu de fonctionnalités, tel Angrybird:
- Lance-pierres;
- Moteur physique pour les impacts et la gravité;
- Menus;
- Interface touch;
- Quelques effets différents pour les oiseaux et pour certains blocs. (+1 par oiseaux et blocs différents);
- Les graphismes (+1 pour chaque graphisme, +1 pour chaque animation);
Ajoutez à ceci plusieurs niveaux diffèrent pour profiter du coeur du gameplay et hop!
Vous avez un jeu! Dans le cas d’un MMORPG, je ne tenterai même pas de faire la liste exhaustive des fonctionnalités à implanter!
Quand doit-on sortir du processus itératif?
Nous avons le choix: lorsque tous les éléments importants ont été testés (en ajoutant, enlevant l’élément, en modifiant sa valeur en plus et en moins), nous pouvons enfin affirmer que notre game design est satisfaisant.
Pour ceux qui créent leur jeu à temps pleins en survivant grâce à leurs économies, je vous suggère fortement de cesser les itérations lorsque vous commencez à voir le fond de votre compte en banque. Dépêchez-vous de produire ce jeu pour le mettre en vente!
Finalement, si après plusieurs sessions d’itérations vous tombez à court d’idées sur les éléments à modifier et que, malheureusement, votre design n’est toujours pas au point, je vous propose de prendre une pose. N’hésitez pas à chercher conseil, un regard neuf vous permettra sans doute de débloquer.
Quand on change un élément, il y a un (fort) risque qu’il y ait un impact sur d’autres éléments, même ceux qui ont déjà été perfectionnés. Je crains, chers amis, que vous deviez alors retourner équilibrer tous les éléments impactés! Comment les identifier? Grâce au processus itératif
Prenez garde!
Des effets à long terme
Si vous êtes sérieux dans votre démarche, sachez que vous êtes en train de vous inoculez un virus contre lequel il n’existe aucun remède. Quand on se lance la première fois dans la création d’un jeu, on s’imagine à tort qu’on passera la majorité de son temps à jouer et à trouver plein d’idées et de nouveaux projets. Ce n’est pas tout à fait faux, mais ce n’est pas exact non plus. La majorité du temps est passé en production du code et des graphismes, puis en promotion. Le temps passé à jouer est essentiellement utilisé à notre boucle itérative afin de polir le gameplay. Et vous serez submergé par un incessant flux d’idées que vous ne trouverez jamais moyen d’appliquer, faute de temps.
Et puis on cesse de jouer aux autres jeux. Enfin presque: on change notre façon de jouer. On ne réussit plus à jouer pour le plaisir, on se met plutôt à étudier leurs mécanismes de gameplay. Ça devient plus fort que nous. On évalue ce qui fonctionne ou non et on se met à chercher pourquoi. On imagine des hypothèses pour corriger le jeu et mieux exploiter le coeur du gameplay. Tout comme ce que vous venez de faire.
Ce n’est pas une mauvaise chose, nous avons simplement changé notre façon d’observer. Vous verrez directement à travers les artifices des jeux qui n’offre qu’un pauvre gameplay alors que les gameplay innovants vous allumeront en repoussant vos frontières créatrices.
Pour allez plus loin:
Tout ce qu’on a discuté dans ce billet demeure assez théorique. Suivez mon prochain billet pour une application pratique à partir de mon jeu Zombie football!